• No name

    le lendemain qui correspond aux textes du réveil :

    On me réveille à 9 heures en me servant un petit déjeuner composé d'une compote, d'un bol de céréales, de deux gâteaux et d'un jus de fruit. Je n'ai pas touché au plateau, l'anxiété ou la contrariété me coupe l'appétit pendant une bonne demi heure. Les gâteaux font finalement exception. Elliot n'est pas là et je me suis réveillée seule ce matin. Je ne peux bouger que mon bras droit et une infirmière m'aide à ouvrir mon paquet de gâteau. Elle est assise au bord de mon lit. Elle a des cheveux châtains foncés, des yeux marrons clairs et une peau métisse. Ses cheveux sont bouclés et très jolis. Elle est jolie. Elle a un sourire agréable à regarder, aussi. Elle me dit gentiment qu'elle s'appelle Erin et qu'elle sera avec moi tout le temps où je serai la, et qu'elle m'aidera. Je mange mon gâteau silencieusement. 
    Ce matin, on ne m'embête pas trop. On me laisse me recoucher si je le souhaite, ce que je fais dans un premier temps. Je désire ensuite aller me doucher et m'habiller et Erin m'aide à me lever et à marcher. Je me sens tellement fatiguée et faible que j'ai beaucoup de mal à tenir debout. On ne m'a pas remis de cathéter mais mon bras est toujours entouré de bandages. La jeune femme me déshabille lentement en prenant soin de ne pas me faire mal – je me sens affreusement gênée. Lorsque je me retrouve en sous vêtements, elle me dit que si je ne veux pas qu'elle me voit nue, je peux les garder. Je secoue la tête en haussant les épaules. Après tout, c'est elle qui va rester avec moi, et apparemment, pendant un bon bout de temps, alors autant oublier la pudeur. Je ne peux quand même pas m'empêcher de rougir lorsqu'elle m'aide à baisser ma culotte. Je m'assois tant bien que mal dans la baignoire, et elle me propose de prendre un bain, ce que j'accepte volontiers. Elle fait alors couler l'eau chaude et m'explique qu'elle va devoir refaire mon bandage tous les jours, afin de désinfecter la plaie et aider à cicatriser. Elle semble parfaitement au courant et cela me gêne profondément. Je me contente de hocher la tête et je demande si je peux avoir de la mousse.
    Une demie heure plus tard, Erin me nettoie le bras gauche pendant que je somnole encore dans le bain. Je grimace souvent et même si elle est très douce, ça fait mal. Je n'ai presque pas osé regarder mon bras. Lorsqu'elle a terminé, elle me félicite pour avoir été patiente et pour ne pas avoir trop bougé. Elle me demande si je veux de l'aide pour me laver et je lui demande juste de me laver les cheveux. Je me tourne dos à elle et pendant qu'elle me masse doucement le cuir chevelu avec du shampooing, je me débrouille pour laver mon visage et mon corps - en évitant soigneusement l'avant bras gauche. Erin se met alors à me parler de chatons qu'elle a depuis quelques jours à sa maison. Je sens dans sa voix qu'elle est émerveillée de cet événement. Elle me dit qu'elle me montrera des photos. Elle me raconte alors comment elle s'est débrouillée lorsque la chatte a mis bas, et comment elle s'occupe des bébés. Ça me change les idées et je ne pense plus à rien qu'à ces chatons.
      Je me rassois avec un peu de mal sur le lit, les cheveux secs, frisés et coiffés. J'ai réussi à m'habiller d'un débardeur The Pretty Reckless et d'un short. Erin m'a expliqué que mon «amie brune» m'avait fait une valise avec des habits que j'aimais bien. Je demande à Erin si elle ne va pas s'ennuyer, toute la journée ici.
    « J'ai une pause dans la matinée, je peux manger soit ici soit avec mes collègues et tu as toute ton après-midi de prise, alors je ne reviens que pour une heure, peut être deux, et je rentre chez moi le soir. »
    Elle me voit hausser un sourcil lorsqu'elle évoque l'après midi. Elle inspire longuement avant de déclarer « Un psychologue va venir de 14h à 18h, je crois. C'est ta mère qui l'a demandé. » autant de temps ! Mais je ne compte pas répondre à ses questions pendant 4 heures ! Je sens une boule au ventre surgir et le stress monte en moi. Erin pose sa main sur mon épaule et me dit qu'elle va faire sa pause. Elle me demande si je veux quelque chose.
    « – Mon téléphone, s'il te plait. »
    Elle se mord la lèvre. Mardi après-midi, quand je me suis réveillée, mon téléphone était sur la table de chevet. Depuis, il a disparu. Il a un code mais j'ai bien peur qu'ils aient réussi à le supprimer pour fouiller ma vie privée. “mes écrits...”, pensé-je alors avec une pointe d'énervement. 
    Elle essaie de m'expliquer calmement que je n'ai pas le droit d'être en contact avec de l'extériorité d'une manière ou d'une autre, mais je fonds rapidement en larmes. « Je veux juste ma musique ... ! », balbutié-je en essuyant mes larmes. Elle passe sa main dans mon dos, me tend un mouchoir et déclare:
    « Je vais voir ce que je peux faire. Je reviens dans 15 minutes, ne bouge pas.» elle pose alors quelques livres sur la table. « Tu veux lire? Je peux t'allumer la télé ou te mettre un film, si tu veux. » je secoue la tête et attrape un livre pendant qu'elle s'éloigne. Bien que j'essaie de me concentrer sur le livre, mes pensées s'embrument à travers plein de questions. Je songe alors à Ellie, et au lycée. Si on a seulement dit que j'étais malade. Je me demande si Ellie est allée en cours. Elle avait l'air tellement décontenancée quand je l'ai vu. Peut être qu'elle a préféré rester chez elle, pour être plus tranquille. Ou alors, têtue comme elle est, elle s'est endettée à supporter les interrogations des gens de ma classe. J'espère seulement qu'ils ne savent rien. On me traite avec une pitié incroyable depuis que je suis la, alors j'espère juste que lorsque je retournerai au lycée, ce sera comme si de rien était. 


      L'après midi arrive bien trop rapidement. Je n'ai presque pas mangé malgré Erin qui a mangé avec moi, et qui me suppliait presque pour manger un morceau. J'ai fini par cédé et j'ai mangé un tout petit morceau de viande. Il m'a très rapidement donné envie de vomir alors je me suis contentée de ça. Le psychologue frappe à la porte à 14h pile. Erin m'explique qu'après, j'aurai de la visite. “Génial”.

      Pendant la première demie heure, il m'a posé des questions simples auxquelles je réponds sans trop de problèmes. 
    « – Comment t'appelles tu?
      – Amy.
      – C'est un joli prénom. Qui a voulu t'appeler comme ça ?
      – Mon père.
      – Comment s'appelle ton père ?
      – Keith.
      – Et ta mère?
      – Lacy. 
      – As-tu des frères et sœurs?
      – Non. 

    Il dessine alors un cercle, inscrit le prénom de mon père dedans, puis inscrit celui de ma mère dans un cercle à côté. Il relie les deux cercles ensemble, trace un trait qui descend et le relie à une troisième bulle où il écrit mon nom. Il relève alors la tête et me regarde. 

       – Quel âge as tu, Amy?
       – 14 ans. 
       – Tu es donc en première année au lycée?
       – Oui.
       – Tu as une matière préférée ?
       – Anglais, Français et Musique.
       – Tu peux me dire quelque chose en français, alors? 

    Je me tais. Je ne sais pas trop quoi lui dire. Ses questions sont simples, pas très stressantes et pourtant, je me sens toute raide, tendue et nerveuse. Je n'ai pas très envie de parler de moi mais il est gentil, alors pour le moment je me suis contentée de répondre à ses questions. Mais j'appréhende déjà les questions un peu plus personnelles. Il n'y a que lui et moi, dans la pièce, pour ne pas que je me sente "mal à l'aise en présence d'autres personnes". J'aurais malgré tout bien aimé qu'Erin soit la. Je finis par lui secouer la tête négativement avec pour seul argument que j'ai un mauvais accent. Il ne s'attarde pas et continue sa série de question.

     – Tu joues d'un instrument de musique, non?
      Je hoche brièvement la tête en fixant son papier sur lequel il écrit tout.
     – De quel instrument joues-tu?
     – De la batterie.
     – Depuis longtemps?
     – Presque aussi longtemps que les débuts de ma mémoire.
     – Tu joues bien, alors?
    Je hausse les épaules nonchalamment. Il change alors brusquement de sujet, en se penchant un peu plus sur la table.
      – Tu te sentais bien, au lycée?
    Je relève soudainement le regard vers lui, et je regrette de ne pas être maquillée pour faire plus d'effet. J'attrape un stylo et me mets à le triturer. Il inspire longuement et reprend:
      – Tu avais des problèmes ?
    Je ne réponds toujours pas. Je ne souhaite pas répondre à ce genre de questions et je ne le ferai pas. Il repose la question une deuxième fois d'un air plus menaçant. Je le tue du regard et les mots sortent tous seuls:
      – Et vous, vous vous sentez bien dans cet hôpital à parler à des gens malsains toute la journée? Vous avez des problèmes, aussi? Ça ne m'étonnerait pas que certains se jettent à votre cou pour vous faire taire, vous et vos questions indiscrètes.
    Il se redresse, stupéfait, puis attrape soudainement le stylo que je tiens dans la main, ce qui a pour effet de m'arrêter net dans tout mouvement. Je baisse les yeux vers le stylo en me mordant la lèvre. Il me l'arrache avec une vitesse incroyable, m'attrape le menton et me fait le regarder droit dans les yeux. Je me sens me remplir de rage et de haine, et lorsqu'il se remet à parler, des larmes coulent subitement sur mes joues.
      – Tu ne peux pas jouer à ce genre de choses avec moi, Amy. La provocation ne marche pas. Je ne sortirai pas d'ici tant que je n'en aurai pas appris un peu plus sur toi. A toi de collaborer si tu veux être tranquille, maintenant. »
    Ses mots me clouent sur le lit et je reste pendant une bonne quinzaine de minutes sans rien dire afin de réfléchir. Il est évident qu'ici je suis prise pour une folle, et que je ne veux pas rester dans cet environnement semblable à un asile. Je finis par redresser mon regard vers lui et je lui crache à la figure : « Bhen vas y, dépêche toi de me poser des questions, de conclure à ma mère que je suis tarée et d'empocher l'argent. »
    Il ne relève que la première partie de ma provocation mais je sens dans son regard qu'il est irrité, malgré le fait qu'il essaie de rester impassible. Je me penche vers lui et lui chuchote, prise d'une incroyable fierté sur mon caractère de pétasse sur développée : « Je lis dans les regards, vous savez. Et ça me conduit souvent à lire dans les pensées. »
    Je me redresse et je tire enfin un sourire, mais c'est loin d'être un vrai. Non, c'est un sourire provocateur, ironique et rempli de méchanceté que je tire la. Mais je m'en fiche.

    « – Qu'est ce qui s'est passé cette semaine de particulier pour toi ?

    “Ellie m'a abandonné”, pensé-je. Mais je n'ai plus très envie de la jouer gentil. Pourtant une partie de moi me dit de faire attention et de ne pas jouer avec le feu.
    Ma partie autodestructrice lui rit au nez. Comme c'est ironique.

    « – Je suis amoureuse. Et la personne dont je suis amoureuse m'a abandonné après 8 mois à me faire croire qu'elle m'aimait. Ça fait 3 ans que je suis victime d'harcèlement. Mais cette année cette personne m'aidait. Sauf vendredi, où on m'a coincé dans les casiers du couloir après les cours pour me cracher à la figure et me forcer à manger un papier avec écrit “Je suis tellement laide et stupide que je mérite la mort.”, Oh, et, je crois que ma mère a un amant et qu'elle ne veut pas me l'avouer. J'ai appris avant hier que la personne que j'aime sort avec quelqu'un que je déteste, aussi. En gros. »

    Il reste stoïque pendant quelques minutes avant de se mettre à soigneusement tout noter sur sa feuille. Il reprend alors point par point.

    « – Tu n'as jamais parlé de tes problèmes concernant le harcèlement ?
      – Non.
      – Tu as une raison pour ça? Comme des menaces?
      – Pas spécialement. Je suis juste trop têtue pour aller me plaindre à papa maman ou madame la principale.
      – Tu penses donc que pour ton image personnelle, c'est plus digne de souffrir en silence?
      – J'ai toujours souffert en silence. »
    Je le vois griffonner sur son papier “Perturbée” puis “troubles psychologiques”. 
    « – Que veux tu dire par la?
      – J'ai jamais aimé ma mère et j'ai toujours préféré mon père. Sauf que celui ci à été assez con pour partir lorsque j'avais 10 ans. J'ai pleuré chaque soir, pendant une heure, durant un an, en attendant son retour. Ma mère a enchaîné les coups d'un soir et les histoires d'une semaine, au grand maximum un mois. On ne parlait presque jamais, elle et moi, nos discussions se sont toujours résumées à des regards assassins. À partir de ma deuxième année au collège j'ai commencé à me faire harceler par des filles et je n'ai rien dit parce que j'ai pensé que ça s'arrêterait l'année suivante. Toutes mes années collèges j'ai été seule. Vraiment seule. Je ne mangeais pas le midi parce que c'était la honte de n'avoir personne avec qui manger. »


    Je marque une pause et je le regarde noter des mots clefs comme “solitude” “renfermée” “situation familiale bancale”. Je sens la rage s'accumuler en moi, une rage contre le monde entier. Je me sens m'énerver et je me dis qu'ici, ce n'est pas grave si je n'arrive plus à me contrôler. Je me rends compte que rien ne m'est important à présent. Ma tentative de suicide n'a pas marché mais ce n'est pas pour autant que je suis vivante.
    Tout mon être intérieur est mort depuis longtemps.
    Encouragée par l'énervement et l'autodestruction j'arrache le bandage qu'Erin m'a fait quelques heures plus tôt. Ça tire et ça fait horriblement mal mais je me contente de grimacer et de retenir tout bruit qui pourrait me trahir. Je pose mon coude sur la table et montre mon avant bras au psychologue.
    « On vous a parlé de ça? De mon bras? » je lui montre le grand trait qui remonte tout le long de ma veine. « ça c'est parce que j'ai voulu mettre fin à ma vie. » Je passe rapidement mes doigts sur les centaines de traits horizontaux. « Ça c'est pour me punir de vivre, d'être stupide, laide, incompétente, égoïste, lunatique, possessive, jalouse, égocentrique et j'en passe. J'en ai tracé plus de trois cents pendant 3 ans. Mais elle, elle m'avait fait arrêté. Jusqu'à Lundi, du moins. Vous vous rendez compte du mal que l'on peut s'infliger? De la peine que l'on ressent et de la douleur que l'on s'inflige sous l'influence de gens qui nous écrasent constamment? Vous trouvez ça normal? En 3 ans ma mère n'a jamais remarqué mon automutilation, en 3 ans ma mère n'a jamais vu ou prêté attention à mon mal être. Alors quand quelqu'un arrive et prête attention à vous et votre santé mentale ou physique, vous tombez amoureuse. Inévitablement. Et vous crevez lentement parce que ce n'est pas réciproque. »
    Je repose mon bras sous le regard stupéfait et je constate que ma paume de main saigne tellement j'ai serré les poings. Des larmes coulent sur mes joues mais je n'ai jamais eu de petite voix. C'est seulement la haine et la rage en moi qui vient de s'exprimer, enfin, mais ce n'est pas pour autant que je me sens soulagée.
    « Ça suffit, maintenant. »
    J'attrape un livre et je n'accorde plus aucune attention au psychologue. J'ai assez donné pour aujourd'hui et probablement pour le reste de la thérapie. Il se lève, encore sonné de tout ce que j'ai pu lui crier à la figure et sort de la pièce, me laissant seule dans un état où l'on ne doit pas me laisser seule. Je fais violemment basculer la table et je me recroqueville contre moi même en pleurant bruyamment. J'ai l'impression de ne rien faire d'autre que ça, ces derniers temps. Je ne savais même pas que c'était possible de pleurer autant en si peu de temps. Ma rage n'est plus là, je me sens à présent remplie d'une tristesse sans fin et je me sens inconsolable. 
                   
                              ****


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